La déclaration de Foix : Développement Local. Etre de son époque pour conserver élan, authenticité, loyauté

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La déclaration de Foix : Développement Local. Etre de son époque pour conserver élan, authenticité, loyauté

 
Au delà des « défis contemporains », formule intégrée au titre de la déclaration (cf lien ci-dessous), il est réconfortant de voir un texte (certes long) mais revigorant les thèmes de l’engagement, du militantisme en portant valeurs et projets de société à moyen terme.

Divers extraits l’attestent :

  • La diversité des participants : « personnes issues d’horizons sociaux divers : élus, agents de développement, représentants de l’éducation populaire, acteurs de l’économie solidaire, militants de la démocratie locale, universitaires et consultants »… qui favorise « cet apprentissage « ascendant »… caractérisant le développement local. »
  • Le modèle et les valeurs : « le développement local porte des valeurs très différentes de la rentabilité économique et de la compétitivité : celles de la solidarité et de la coopération. C’est en particulier dans les territoires que s’invente aujourd’hui un autre modèle de développement. » qui se veut « porteur d’alternatives. »
  • Ce qui fait sens : « Ce n’est pas la proximité seule qui construit le développement, mais l’échange, le partage, le réseau et le lien »… « l’avenir des territoires est dans un accroissement des coopérations, des échanges et des solidarités »

Il reste que « l’analyse des mutations qui impactent aujourd’hui les territoires », ne semble pas être allée jusqu’au bout des réalités et prospectives de notre époque numérique.

Quelques pistes à explorer pour approfondir.

  • « Evoluer au delà des seules logiques institutionnelles… vivre des espaces ouverts et à géométrie variable… La gestion des affaires publiques, comme la conception et la mise en œuvre des actions de développement, ne peuvent plus s’inscrire dans un périmètre donné auquel correspondrait une structure publique unique et des compétences spécialisées. »
    • Constat juste, mais qui ne peut se résoudre en une critique classique de telle ou telle réforme organisationnelle ou du rôle de l’Etat central, de la mondialisation ou de visions libérales…
    • La réflexion doit davantage porter sur la notion même des territoires support des projets en s’appuyant par ex sur les suggestions de Bruno Moriset [1]. Les nouveaux espaces concernés mélangent les échelles géopolitiques, numériques, de communautés… ils confirment les limites d’un déploiement des réseaux physiques numériques comme pour l’électricité ou les routes… sur des échelles géopolitiques avec « croyance » en l’aménagement numérique correspondant…
      Il faut davantage prendre la mesure des objectifs, services, valeurs, usages à déployer autour de l’aménagement des territoires numériques. Ces derniers étant instables, fugaces, fondés souvent sur de nouvelles pratiques sociales devraient interpeller la culture classique de nos aménageurs / développeurs pour les inviter à situer davantage le volet « prospective » de leurs actions et de leur employabilité.
      Prendre garde aussi à ne pas réduire les mutations en cours à la quête formulée dans la Déclaration : « de nouveaux agencements institutionnels doivent être imaginés et de nouveaux systèmes de relations sont à inventer. »
      Les espaces de « cohésion sociale et de citoyenneté active » comme dit la déclaration de Foix… se situant désormais sur ces nouveaux terrains de jeux numériques.
    • On doit aussi s’interroger sur l’absence de lien entre ce discours juste, sur l’espace d’action de la gestion des affaires publiques et les mutations dans : la gouvernance des biens communs, la localisation et les nouvelles formes de valeurs créatrices de richesse économique, le rôle dévolu de plus en plus aux acteurs inventifs et innovants, aux entrepreneurs du net dans le pilotage des nouveaux territoires (projet, mobilité, services, eco-systèmes).
    • Plus généralement il faut inviter à construire ces territoires« ensemble humain et nœud de leurs relations » ; en adoptant la posture de « Découvreurs - Aventuriers des Terra Incognita » construisant les Portulans [2] et en ayant à l’esprit ce que disaient :
      • Jacques Ion sur « Le temps de l’engagement pluriel  » dans la revue Sciences humaines  [3] :
        • « Ce que l’on constate, c’est que les groupements naissants sont de moins en moins insérés dans des réseaux verticaux organisés, et que ceux qui subsistent tendent à distendre leurs liens hiérarchiques avec les niveaux supérieurs… ».
        • « l’affirmation d’un processus général d’affranchissement aussi bien des appartenances, que des affiliations fédératives ou des statuts, qui aboutit à transformer les réseaux verticaux de groupements en réseaux horizontaux de personnes. »
        • « Au fur et à mesure que le je se voit reconnu comme acteur public, les qualités personnelles ne sont plus tues ; elles sont au contraire valorisées. A rebours de la tradition républicaine qui ne concevait que l’expression d’individus anonymes, déliés de leurs attaches et débarrassés de leur singularité, le je s’impose comme être affects publicisables ».
      • Solveig Godeluck - la géopolitique d’internet - [4« Les communautés virtuelles sont même caractérisées par le »lien faible« qu’elles permettent d’entretenir : les amis sont lointains, on ne les croisera peut-être jamais, on ne leur dévoile qu’une partie de ses opinions, et on les fréquente pendant un temps limité. Cette mutation de la convivialité en »relation individualisée à la société « est une façon de restructurer le lien social lorsque les familles sont nucléaires, le travail sur mesure, les institutions en crise, bref, à l’âge de l’ »individualisme en réseau« .
      • Gérald Pavy dans « La logique de l’informel » [5] : « Ce qui est rare à présent, ce n’est pas le capital, l’accès au marché, les compétences ou les technologies. Ce qui ne peut s’acheter, ce sont les relations entre ces facteurs, la façon de coopérer »
  • « L’importance croissante des déplacements et l’explosion des mobilités ont transformé en profondeur les modes de vie et les territoires »
    • Il faudrait plutôt parler de flux (le déplacement physique n’est qu’une des composantes des flux d’une société numérique) et davantage penser mobilités numériques (nomadisme, télétravail, communautés) et pas seulement déplacements. Les valeurs d’aujourd’hui se construisent sur la nature, le repérage, la circulation des flux. Nous sommes dans une société de flux numériques où la capacité d’attirer / capter l’attention devient un facteur clé de réussite.
  • « Les nouvelles technologies de la communication permettent de mettre les territoires en réseaux : réseaux d’entreprises, réseaux de villes, réseaux d’acteurs de la vie sociale et culturelle pour le partage des connaissances et la mutualisation des ressources. Cependant le développement des relations »virtuelles« n’épuise pas la demande de véritables rencontres, des moments de partage, de convivialité qui reste forte chez les habitants. C’est aussi le lien qui donne corps à la proximité. »
    • Il n’empêche, dans cette construction de réseaux multiples, les liens dits faibles évoqués par S.Godeluck (dont les réseaux sociaux avec le « ami-ami » seraient un exemple) deviennent « dominants » en fréquentation… On peut d’ailleurs s’étonner de la facilité avec laquelle les institutions Collectivité et Préfecture par exemple ouvrent leur page sur ce type de réseaux sociaux qui doit leur sembler magique, ou comme facteur d’identité dans un monde de plus en plus en « décalé » ! A lire pour prendre la mesure du sujet : Réseaux sociaux escamoteurs… Quel avenir : web squared et web3 ?.
    • La notion de territoire doit aussi être explorée au vu des réflexions de Marc Augé sur les Non-Lieux [6]
      « L’espace du non-lieu ne crée ni identité singulière, ni relation, mais solitude et similitude ».
      « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu ».
  • « Promouvoir une nouvelle gouvernance territoriale basée sur une logique de co- construction, de co-élaboration et de co-mise en œuvre de l’action publique. »
    • Les formules en « co- » aujourd’hui de mode, ne doivent pas sous-estimer : les enjeux de décisions, de pouvoirs, de responsabilités, de représentation sociale, de construction de contenus. Il est illusoire de se fonder sur des espérances occultant les réalités humaines et la grande difficulté pour chacun de bouger dans ses repères culturels professionnels ou personnels. Beaucoup aiment avoir une espérance… peu aspirent à changer pour l’atteindre. Pour le moins derrière les « co- » se dessinent des différences significatives, par exemple entre « collaboration » et « coopération ».

Sur le site de l’Unadel, on trouvera :

Cette déclaration de Foix est le fruit d’un travail collectif qui a mobilisé l’ensemble des participants de l’Université d’été du développement local et de nombreux réseaux associatifs nationaux et régionaux : ADELS, ARDL PACA, Carrefour des Pays Lorrains, Collectif Ville Campagne, Confédération Nationale des Foyers Ruraux, Inter réseaux des professionnels du Développement Social Urbain, MDS, Mouvement national de l’Economie Solidaire, Solidarité Ville, UNADEL.
Contacts & renseignements : UNADEL (Stéphane Loukianoff) – 01 45 75 91 55 – unadel@wanadoo.fr


Voir en ligne : Déclaration de Foix - Pour un développement local à la mesure des défis contemporains

le 17 décembre 2010 par Jacques Chatignoux Opérateur
modifie le 4 avril 2011

Notes

[1] Télétravail, travail nomade : le territoire et les territorialités face aux nouvelles flexibilités spatio-temporelles du travail et de la production (Bruno Moriset) : Introduction - De l’utopie géographique à la réalité statistique - Le système productif à la recherche de la flexibilité spatio-temporelle - Des territorialités multiples et recomposées - Conclusion : vers la fin des catégories structurantes de la territorialité ? et plus généralement voir les analyses d’ouvrages et repères ici : Actu Ressources - Développement Local et Durable / Contexte Numérique) 

[2] Les Découvreurs » de Daniel Boorstin Ed R.Laffont, ou « Le livre des terres inconnues - Journaux de bord des navigateurs XV-XIXe siècle » par François Bellec - Ed du Chêne

[3] Le temps de l’engagement pluriel , Jacques Ion, Revue Sciences humaines hors-série N°39 déc 2002 / janv-fév 2003 Page 58

[4] La géopolitique d’internet par Solveig Godeluck - Ed La découverte

[5] « La logique de l’informel - A la découverte des jeux de pouvoirs dans l’entreprise » par - Ed d’Organisation

[6] « Non-Lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité » par Marc Augé, Ed. Le Seuil.


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